Luc Besson, qui s'est attelé à l'adaptation filmée des aventures de Valérian et Laureline créées par Christin et Mézières, râlait au mois d'août dernier à propos du crédit d'impôt qui lui passait sous le nez et qui allait le contraindre à tourner son film en Hongrie : «J'ai prévenu les autorités parce que j'aimerais vraiment le faire en France. Il y a un tout petit problème : les crédits d'impôt. En France, ils sont pour les films français de 20% et de 30% pour les étrangers. Mais je suis un film français en langue anglaise, donc j'ai droit à 0% en tant que film français. En tant que film étranger, j'ai droit à 0% car le producteur est français. Je suis dans un trou juridique. »Fleur Pellerin l'a entendu et, nous dit L'Express, « a confirmé, mercredi dernier, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, la généralisation du taux de 30% de crédit d'impôt pour le cinéma, un taux jusqu'ici réservé aux films de moins de 4 millions d'euros ».La loi n'est pas encore passée à l'Assemblée, mais il semblerait que ce ne soit qu'une formalité. Bravo à Besson, donc, qui grâce à son coup de gueule a probablement obtenu une extension de ce crédit d'impôts pour tous les réalisateurs français qui dorénavant ne seront plus tentés d'aller faire tourner leurs bobines à l'étranger. Quant à lui, il va pouvoir mettre en scène La Cité des mille planètes qui semble être une adaptation du deuxième album de la série des Valérian, L'Empire des mille planètes.Les plus pessimistes prient saint Astérix pour que cette adaptation soit de meilleure qualité que l'effroyable Adèle Blanc-Sec, réalisée en 2010 par le même Besson. Nous croisons les doigts, brûlons un cierge en souvenir du Cinquième élément dont les véhicules et certains éléments de décor avaient été dessinés par Mézières, attendons la sortie de La Cité des mille planètes annoncée pour l'été 2017.Et puis voilà que Luc Besson lance un concours de création de costumes dont voici les modalités : les participants devront « dessiner un costume pouvant être porté par un humain, un extraterrestre, un humanoïde ou toute autre créature intergalactique imaginable. Les costumes seront intégrés à une scène clé du film, une réception diplomatique organisée dans une station spatiale nommée Alpha, en 2580 ». Chacun d'eux devra être dessiné sous trois angles différents, les images devront être soumises jusqu'au 27 novembre prochain. Ensuite, un jury composé de Luc Besson, d'Olivier Beriot (son chef costumier) et de Joe Zee, rédacteur en chef de Yahoo Style, sélectionnera une vingtaine de participants qui toucheront la royale somme forfaitaire de mille dollars et qui verront leur costume « potentiellement créé », autrement dit ce n'est même pas sûr. Les recalés auront peut-être la chance de voir tout de même apparaître leurs créations dans le film. Pour pas un rond. Et si elles font l'objet de produits dérivés, et si elles apparaissent dans du matériel promotionnel, ce sera là aussi, comme pour les créateurs sélectionnés, à titre gratuit (règlement et le formulaire d'insciption par ici).Les illustrateurs et les dessinateurs de BD n'apprécient guère ce concours au parfum d'arnaque, les réseaux sociaux s'enflamment, voici quatre réactions parmi d'autres. La première est celle d'un directeur de collection dans une petite maison d'édition, il s'adresse à Fleur Pellerin : «Madame la ministre. Merci d'avoir permis à Monsieur Besson de faire son film en France. Pourriez vous lui demander par la même occasion de payer les artistes au lieu de faire un concours pour les exploiter ? »En voici maintenant trois autres qui résument bien les sentiments des illustrateurs, ils proviennent de la page Facebook intitulée Je suis auteur / artiste / dessinateur / créateur et j'ai mal au cul :« en tous cas, pour quelqu'un comme Besson qui prétend défendre la création française... sur un budget de 170 millions, c'est un peu mesquin. il aurait pu proposer 10 postes de designer de costumes en plus, par exemple pour des jeunes sortant d'écoles de mode, avec un vrai contrat, sur entretien avec un book.... là ça aurait été cool. ici il débourse au max 20 000 dollars, il récupère quand même au passage des idées gratos de tout ceux qui ont participé... »« c'est un coup de com, ça ne leur est pas utile a la base mais ça fait parler d'eux et du film et faisant miroiter de faux espoirs... et au passage ça légitimise ce genre de pratique. Pour Besson c'est un coup de com, pour d'autres entreprises plus petites ça sera du travail gratos. »« ben c'est de la mauvaise com, parce que le gars vient chouiner qu'en France il peut pas faire de film parce que c'est trop cher à produire, et qu'il voudrait bien faire bosser des Français etc. Puis bam concours de design gratos. C'est un peu du foutage de gueule. »Ce foutage de gueule est également appelé (de manière plus polie mais très approximative) du travail spéculatif. On peut l'appeler aussi, en langage grand-breton, du perverted crowdsourcing. En clair et en bref, cela consiste à faire passer pour participatif et trop cool un travail non rémunéré, dans « un système où chacun doit travailler gratuitement un nombre indéfini de fois jusqu’à gagner la chance d’être celui qui sera payé pour son travail ».Le problème avec ce genre de piège, c'est qu'il y aura toujours des gogos prêts à tomber dedans en se disant, croyant être plus malins que les autres, que moins il y aura de participants, plus ils auront de chances d'être retenus. En attendant, la plate-forme "participative" chargée de récupérer les projets de costumes pour La Cité des mille planètes en reçoit quelques-uns d'assez gratinés, pondus par des illustrateurs énervés. En voici trois. Pas forcément drôles, pas du meilleur goût non plus, mais il faut comprendre l'exaspération :