Tout d'abord j'aimerais dire à Aaron Sorkin qu'il n'est pas si intelligent que ça. Il l'est, mais comme la plupart du temps dans la culture américaine, il confond savoir et intelligence de la pensée. Et je suis d'accord avec lui, que plus on a de savoir, plus nos chances de faire des liens entre les événements grandit. Celà dit, cela reduit l'intelligence aux études, alors qu'il existe d'autres intelligences : intimes, empiriques, sensibles, physiques, psychiques.
Pour commencer dans la remise en question de l"intelligence" d'Aaron Sorkin, il n'y a dans The Newsroom aucune remise en question de la starification des journalistes, et de la personnification de l'information, aucune remise en question du storytelling, de la transformation de l'histoire en fiction, aucune remise en question de l'instantanéité de la médiation de l'information. Et surtout, jamais ils ne se posent la question, vis à vis du Tea Party avec lequel ils font leurs choux gras, qu'ils le servent en lui offrant énormément de temps d'antenne, un peu comme chez nous avec le Front National. Peu importe la qualité des arguments en face, les gens votes pour se faire entendre, et quand on est pas entendu, on veut l'être, et eux le sont, quels que soient leurs idées.
Bien que la série soit très engagée sur certains points, notamment l'investigation et le devoir des journalistes d'exercer un quatrième pouvoir. On voit plutôt un show destiné à faire approuver par tous le consensus entre business et devoir éthique. Et pourtant dès le début le show démarre là dessus, il ne faut pas céder aux lois du marché, mais juste faire notre métier de journaliste ; à bas les audiences. Et petit à petit, ce discours se délite, et le compromis s'installe : parce que les puissants sont trop puissants, et que si on veut faire entendre nos vraies informations, il nous faut de l'audience. C'est un débat intéressant, cité dès l'épisode pilote, mais vite abandonné dans la forme comme dans le fond. Faut faire du show.
Autre bémol récurent : l'éducation des masses. Par exemple, un homme brillant a le droit d'aimer le sport, mais une femme aussi brillante soit-elle qui aime les fringues ou les magazines people est une sombre conne... Rien que là dessus Aaron Sorkin n'est pas intelligent, car on voit bien qu'il n'y pense pas en écrivant (sport/fringue), qu'il écrit en haut de sa tour de mâle blanc dominant. Même si parfois il cherche en rendant trouble son personnage principal à dissiper son désir de civilisation des crétins et surtout des crétines, il ne leurre personne là-dessus, il prend les gens pour des cons, exceptés ceux qui regardent la série. C'est son droit.
Pour revenir au rapport aux femmes, Aaron Sorkin fait preuve d'un archaïsme pathétique, les femmes trompent, veulent vivre une belle Saint-Valentin, c'est tellement important pour elles d'être casées, mariées, femmes de, si elles sont célibataires elles attendent l'homme providentiel. Elles sont souvent comme des chèvres à attendre les hommes, pendant qu'ils travaillent passionnément. Et celles qui sont au travail, ont quand même le devoir d'être sexy, elles sont capables d'interrompre leur travail pour parler de sentiments amoureux, elles font beaucoup d'erreurs aussi, mais on leur pardonne. On dirait un peu une chanson de Michel Sardou, je vous laisse deviner laquelle.
Mais ce qu'il y a de bien avec Aaron Sorkin c'est qu'on peut beaucoup en parler, c'est riche, c'est prolifique, c'est trop, il veut parler de tout, de tous les sujets, tout aborder, tout en construisant un show destiné à la télévision. Je pourrais parler par exemple de toutes les romances qu'il y a dans la série, mais malheureusement je trouve qu'elles n'apportent rien, on voit bien qu'il essaie juste de rester un bon coup pour la chaîne qui le produit (comme son personnage principal), et que lui aussi ne doit pas perdre de l'audience, et les romances en rapportent, des yeux (pas forcément des cerveaux, mais des yeux). Je pense qu'il aimerait s'en débarrasser, mais qu'il s'y est complètement accommodé, à ce compromis. (La faiblesse de la pensée centriste).
Maintenant la forme écrite. La forme Sorkin. C'est là que j'admire l'auteur de cette série il développe une foie infinie en la parole. La vitesse des dialogues, des réparties, le défi aussi pour les acteurs, le montage, donne à ses séries, ses films, quelque chose de singulier, on sait que c'est lui. Il capte l'attention par ça, il essaie toujours d'élever un peu la qualité des mots qui sont échangés, et il en met beaucoup. On dirait du Feydeau, c'est mécanique, c'est organique, ça parle à la vitesse ou ça pense (parfois plus vite, on voit parfois l'auteur trainer sur wikipédia, alors que l'humain qui dit ça, ne peut répondre, ou savoir ça), mais il aime ça. Le flux de parole, les césures dans les phrases, les longues phrases, les interjections, exclamations, interrogations, le rythme. Il aime la langue, et ça se voit. Son écriture est rythmique, sur le plan structurel, on est comme devant une partition de musique, c'est précis, et toujours en mouvement. Le fameux "Walk and Talk", qui pour le coup est très moderne, et reste moderne.
Il semblerait que la saison 2 soit mieux, je vais regarder, parce qu'il y a quand même toujours à manger dans quelque chose écrit par Aaron Sorkin.
On peut saluer aussi, toute l'histoire sur les écoutes de la NSA, l'espionnage à grande échelle, évoquée ici, il me semble, avant l'affaire Snowden.
--
"C'est moi qui suis là."
Tous sont dans leur droit.
- Ironie fervente. -
www.subfactory.fr/forum.html#thread/19769/1/1200464
"C'est moi qui suis là."
Tous sont dans leur droit.
- Ironie fervente. -
www.subfactory.fr/forum.html#thread/19769/1/1200464
*édité à 14:39 le 21/12/2013