Dés les premières minutes, cette version 2018 se montre bien plus comme une continuité de l'oeuvre d'Argento que comme un remake. Et lorsqu'il est écrit dans le générique que le film est basé sur le scénario original plutôt que sur le film original, on comprend, peut-être à tort, que Guadagnino a réalisé le film qu'Argento avait en tête mais n'a pas pu faire, faute d'argent et de temps.
Parce que oui, bien que je sois le premier à vouer un culte et à être très inspiré par Suspiria, c'est bien plus pour ce qu'il représente et ce qu'il a lancé, ou, du moins, démocratisé, que pour ce qu'il est. Le film d'Argento était imparfait, très elliptique, et il a très mal vieilli tout en devenant tout de même culte.
Ainsi, cette nouvelle version se concentre complètement sur l'aspect danse, bien plus que sur l'horreur. Aussi, Suspiria 2018 est dans un Berlin en pleine guerre froide (le Mur est omniprésent, autant littéralement que métaphoriquement, notamment au sein de la troupe), de nombreux personnages se voient offrir un background, et la politique de l'époque est comme un bruit de fond.
Le scénario, plus étoffé, est aussi bien plus crédible. Débarrassé de tout le côté Giallo, le film ne parle que des sorcières qui s'en retrouvent elles aussi plus crédibles, car elles ont davantage l'occasion d'exister que dans la première version.
Côté horreur, encore une fois débarrassé de tout le côté Giallo, l'omniprésence de la danse offre au film des séquences aussi magistrales qu'horribles et d'une extrême violence. Si le film est une version "+ + +" du film d'Argento, il l'est aussi dans l'horreur et dans ses extrêmes. Guadagnino promettait le film le plus horrible de l'année, je ne suis pas loin d'être d'accord.
Mais tout ce que je viens de citer dessert au final le but premier que l'on pourrait supposer au film : faire peur.
Les 2h30 sont très longues, par moments interminables, et il n'y a au final pas vraiment de tension. Plus que ça, le film se concentre tellement sur l'histoire du psy qui peut paraitre complètement hors-sujet et sur la relation Susie-Mme Blanc que je n'arrive même pas à savoir si Guadagnino voulait véritablement faire un film d'horreur. On a parfois l'impression de voir deux films différents, et s'il réalise ces deux films avec une maestria impressionnante - le film recèle d'idées de mise en scène, de cadrage, de montage, et même d'écriture - il passe de l'un à l'autre avec un peu de lourdeur. Au final, les trois derniers chapitres s'enchainent assez bizarrement et le final complètement fou arrive presque comme un cheveu sur la soupe. Mais il est tellement sublime qu'on lui pardonnerait presque.
Comme de ne rien avoir eu qui se rapporte au Giallo, j'ai regretté de ne pas avoir droit au fabuleux thème des Goblin, que j'espérais au moins repris par Yorke, mais sa composition est si belle, si douce, et le travail sur le son si bon, que là aussi, on a envie de pardonner au film.
Suspiria 2018, comme Suspiria 77, est un film imparfait, inégal, avec des problèmes de rythme, mais incroyablement intéressant et superbe visuellement. Si le film est long, cette lenteur est rachetée par toutes les scènes de danse, sans exception - je n'ai d'ailleurs pas parlé du casting, mais Dakota Johnson est parfaite - et par cette horreur extrême. C'est une proposition pure de cinéma de 2h30, mais à fuir si on n'a pas le coeur bien accroché.

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J'AIME FINALLY

Holding out for a hero ?
*édité à 00:38 le 15/11/2018